France Anatole

Publié le par Eric Balay

 LES DIEUX ONT SOIF
écrit par Anatole France et publié en 1911


BIOGRAPHIE :

ANATOLE FRANCE (Paris 1844 - La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire 1924), mort à 80 ans, fils d'un libraire du quai Malaquais, il s'adonne tout d'abord à la poésie. A partir de 1876, il s'oriente vers la prose et conquiert la notoriété avec le Crime de Sylvestre Bonnard écrit en 1881. Il rédige de 1886 à 1893 la chronique littéraire du Temps et réunit ses articles en quatre volumes sous le titre de la Vie littéraire publié entre 1888 et 1892. Parmi les romans de cette époque, il faut signaler XXX écrit en 1890. Le personnage de Jérôme Coignard apparaît dans la Rôtisserie de la Reine Pédauque en 1893. Le Lys rouge écrit en 1894 lui est inspiré par Madame de Caillavet, avec laquelle il est très lié depuis 1888 et dont il anime le salon littéraire. Soucieux des problèmes politiques au moment de l'affaire Dreyfus, il publie les quatre volumes de L'histoire contemporaine (LOrme du Mail. 1897; L'anneau d'améthyste. 1899; Monsieur Bergeret à Paris. 1901), puis L'affaire Crainquebille en 1901, dont il tire une pièce, Crainquebille en 1903, L'île des Pingouins écrit en 1908 cache sous sa fiction une vive critique des politiciens professionnels. L'activité du romancier ne se ralentit pas jusqu'à sa mort, mais, qu'il compose des romans historiques comme Les Dieux ont soif en 1912 ou autobiographiques (Le petit Pierre en 1918), l'écrivain reste présent dans toutes ses œuvres, avec son scepticisme et son ironie, qui couvrent d'un voile souriant sa pitié pour un monde rendu cruel par le fanatisme et la violence. Il reçoit le prix Nobel en 1921 et publie un dernier ouvrage, La vie en fleur écrit en 1922. Il devient académicien en 1896.


PROLOGUE :

Ce roman fut publié en feuilleton dans la Revue de Paris en 1911. Le directeur exigea quelques coupures; l'auteur fulmina : "Gandérax qui était bête est devenu fou sans cesser d'être bête". Le livre, remanié, fut édité en 1912.

Les notes préparatoires et les plans revus et corrigés témoignent d'un travail considérable (le père d'Anatole France tenait une librairie d'ouvrages spécialisés sur cette époque). Le romancier s'occupa personnellement du lancement de son livre, qui déconcerta ses amis politiques.



RÉSUMÉ DE L'OEUVRE :

Paris, 1793 : Evariste Gamelin, bon patriote et disciple de David, est amoureux d'Elodie Blaise, fille du marchand d'estampes à l'enseigne de "L'Amour peintre". Jugeant qu'il peut lui être utile, la citoyenne Rochelaure (ex ci-devant qui joue sur les deux tableaux) fait nommer Gamelin juré au Tribunal révolutionnaire. La Convention, inquiète, décrète la Terreur; il faut vider les prisons qui regorgent de suspects. C'est à quoi s'emploie le zélé Gamelin qui dévore sa ration quotidienne de victimes. Il envoie à l'échafaud un émigré qu'il soupçonne à tort d'être le premier amant de sa maitresse : son ami et voisin l'innocent Brotteaux; le père Longuemare, religieux barnabite; Athénaïs, jeune prostituée de seize ans coupable d'avoir crié "Vive le roi", et jusqu'à la citoyenne Rochelaure et à Fortune Chassagne, l'amant de sa sœur Julie, dont il a toujours désapprouvé la liaison. Excité par la férocité de son amant, Elodie connait des frissons nouveaux. Mais survient Thermidor et, à la suite de Robespierre (1758 - 1794), mort à 36 ans, son maître, Gamelin est jugé et guillotiné ; il meurt, persuadé d'avoir péché par douceur et trahi la République.



COMMENTAIRE DE L'OEUVRE :

Le titre est emprunté au dernier article écrit par Camille Desmoulins (1760 - 1794), mort à 34 ans, dans son journal Le vieux Cordelier avant son arrestation. Anatole France écrivait La Révolte des Anges quand son éditeur lui commanda une nouvelle, destinée à compléter un recueil de récits historiques en préparation. L'auteur songea d'abord à un court portrait d'inquisiteur espagnol, vertueux dans sa vie privée, odieux dans sa vie publique ; finalement, il opta pour un roman situé sous la Terreur : l'époque était plus familière aux Français, et il était lui-même fin connaisseur. "J'ai voulu montrer que les hommes sont trop imperfaits pour exercer la justice au nom de la vertu." Le livre est une violente condamnation du fanatisme et une dénonciation de l'impitoyable engrenage qui conduit les révolutionnaires purs et durs à devenir des bourreaux avant d'être eux-même dévorés par la machine qu'ils ont alimentée.




EXTRAITS DE L'OEUVRE :


La lassitude d'un marchand d'estampes

Evariste Gamelin se cabra :

- Quoi ! ne plus entendre parler de la Révolution ! Mais l'établissement de la liberté, les victoires de nos armées, le châtiment des tyrans sont des événements qui étonneront la postérité la plus reculée ! Comment n'en pourrions nous pas être frappés ?... Quoi ! La secte du sans-culotte Jésus a duré près de huit siècles, et le culte de la Liberté serait aboli après quatre ans à peine d'existence !


Mais Jean Blaise, d'un air de supériorité :

- Vous êtes dans le rêve; moi, je suis dans la vie. Croyez-moi, mon ami, la Révolution ennuie : elle dure trop.



L'aveu d'Elodie, une erreur de jeunesse

II lui demandait comment s'était formée cette liaison, si elle avait été longue ou courte, tranquille ou troublée, et de quelle manière elle s'était rompue. (...) Avec une obstination douce et suppliante, elle se taisait, la bouche serrée et les yeux gros de larmes. Pourtant, Evariste ayant demandé où était à présent cet homme, elle répondit :

- Il a quitté le royaume.


Elle se reprit vivement.

- ... La France.

- Un émigré ! s'écria Gamelin.

Elle le regarda muette, à la fois rassurée et atristée de le voir se créer lui-même une vérité conforme à ses passions politiques, et donner à la jalousie gratuitement une couleur jacobine. (...)

- Un noble ! Un émigré ! répétait Gamelin, qu'elle se garde bien de détromper, n'ayant jamais souhaité qu'il sût toute la vérité. Et il t'a lâchement abandonnée ?

Il la pressa sur son cœur :

- Chère victime de la corruption monarchique, mon amour te vengera de cet infâme. Puisse le ciel me le faire rencontrer ! Je saurai le reconnaître entre tous !




Une justice qui fait fi de la justice

Evariste le sentait ardemment : ce qu'il fallait frapper en ce misérable, c'étaient les deux monstres affreux qui déchiraient la patrie : la Révolte et la Défaite. Il s'agissait bien, vraiment, de savoir si ce militaire était innocent ou coupable ! Quand la Vendée reprenait courage, quand Toulon se livrait à l'ennemi, quand l'armée du Rhin reculait devant les vainqueurs de Mayence, quand l'armée du Nord, retirée au camp de César, pouvait être enlevée en un coup de mains par les Impériaux, les Anglais, les Hollandais, maîtres de Valenciennes, ce qu'il importait, c'était d'instruire les généraux à vaincre ou à mourir.

Publié dans litterature.rebelle

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