Barjavel René

Publié le par Eric Balay

RAVAGE

écrit par René Barjavel et publié en 1943

BIOGRAPHIE :

RENÉ BARJAVEL (1911 - 1995), mort à 74 ans, a écrit une
vingtaine de livres depuis son chef-d'œuvre : "La Nuit du temps". Les chemins de Katmandou", "Turendol" , "Les Dames à là licorne" sont ses ouvrages, les plus connus. Il a aussi collaboré aux dialogues d'une vingtaine de films, dont la célèbre série des "Don Camillo »


RÉSUMÉ DE L'OEUVRE :

L'an 2052. L'avance extraordinaire de la science dans tous les domaines a complètement transformé le monde et la vie des humains sur terre, Les "automotrices à suspension aérienne" ont remplacé le train. Le Parisien ne se déplace plus qu'en "bolide à réaction atomique" ou en "avion à hélice enveloppante". Le "tissu d'azote" - léger commel'air - habille ces dames du XXIème siècle. Dans cet univers totalement maîtrisé, où tout effort, toute nuisance sont éliminés, la mort elle-même ne fait plus peur : bien loin de retourner en poussière, les défunts demeurent parmi les vivants. Des Conservatoires à très basse température, aménagés dans tous les appartements, donnent aux trépassés toutes les apparences de la vie. Préservés de l'horrible décomposition jusque là considérée comme inéluctable, les humains envisagent la mort d'un œil plus doux... En ce torride mois de juin 1052, rien ne semble devoir stopper la marche forcenée du progrès...


Et pourtant, d'un seul coup, tout s'arrête : l'électricité disparaît brutalement de toute la surface du globe. Le phénomène, inexplicable, arrête les usines, fait s'écraser les avions en plein vol et plonge la terre entière dans l'obscurité. A Paris, l'épouvante s'empare des esprits. La ville surpeuplée, en proie aux flammes et au choléra (provoqué par la décomposition des cadavres des Conservatoires) est bientôt le théâtre d'atrocités innommables, où ne règne qu'une seule loi : celle du plus fort. Seul un petit nombre d'hommes et de femmes, dirigés par François Deschamps, échapperont, au prix d'une résistance et d'une volonté surhumaines, au cataclysme. Au terme d'un long parcours à travers des paysages de cendres et de désolation, ces "rescapés de l'enfer" atteindront Vaux, petit village de la Provence épargné par le désastre. Là, dans le respect des "anciennes" valeurs du travail, de l'effort, de l'amour du prochain et de la nature, ils fondent un âge nouveau.



EXTRAITS DE L'OEUVRE :

Le progrès, qui permet de "voir la mort d'un oeil plus doux ..."

Les progrès de la technique avaient permis d'abandonner cette affreuse coutume qui consistait à enterrer les morts et à les abandonner à la pourriture. Tout appartement confortable comprenait, outre la salle de bains, l'assimilateur d'ordures, le chauffage urbain, les tapis absorbants, les plafonds lumineux, et les murs insonores, une pièce qu'on appelait le Conservatoire. Elle était constituée par de doubles parois de verre entre lesquelles le vide avait été fait. A l'intérieur de cette pièce régnait un froid de trente degrés. Les familles y conservaient leurs morts, revêtus de leurs habits préférés, installés, debout ou assis, dans des attitudes familières que le froid perpétuait.

Mais la nature reprend le dessus et fait mourir les morts...

Malgré les doubles parois et le vide, le froid accumulé avait, petit à petit, quitté les chambres des ancêtres et abandonné à leur sort de pourriture les morts, trésors des familles.


Les yeux avaient perdu leur brillant de glace; sur les globes troubles, les paupières clignaient de travers ; la peau des visages mollissait; les doigts tendus se refermaient. Les articulations profondes furent plus longues à jouer. Réveillée à l'aube par un bruit sinistre, une bourgeoise épouvantée cherchait vainement, dans le petit jour, la silhouette de grand-père qui se tenait depuis vingt ans debout près du piano, un tasse dans la main, un biscuit entre le pouce et l'index. Elle le découvrait tombé sur son derrière près du tabouret, la tête pendante et les bras tordus. La broderie quittait les mains flasques de grand-mère, qui se tassait dans son fauteuil, ouvrait une bouche noire.




L'épouvante s'empare des esprits


Une multitude fuyait dans les rues, hurlait, fuyait vers le nord, fuyait devant l'enfer. Il n'y avait plus de respect, plus d'amour, plus de famille. Chacun courait pour sa peau. Les boutiquiers avaient laissé l'argent dans les tiroirs, les mères abandonnaient les bébés dans les berceaux. Tous ceux qui pouvaient courir couraient sous le vent qui apportait des fumées et des odeurs de rôti. Et des incendies s'allumaient partout. Les fuyards avaient beau courir, se crever le cœur et les poumons, ils voyaient tout à coup, au-dessus de leurs têtes, dans une tormade de fumée noire, passer une immense lueur rouge. Elle les attendait au carrefour. Ils cherchaient des voies détournées, se heurtaient partout au mur de feu, reculaient, cherchaient ailleurs, hurlaient à Dieu.

Publié dans litterature.rebelle

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